novembre 20

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Quels rapports entretenir avec son ado ?

Décidément, entre vous et votre ado règne la plus grande des incompréhensions. Il était tellement plus simple à comprendre lorsqu’il était plus jeune. Lors de ces moments où vous le regardiez attendrie par ses premières réactions d’enfant. À l’époque chaque découverte était pour lui un émerveillement et pour vous un enchantement de le voir ainsi s’éveiller. Non seulement vous pouviez partager facilement ces émotions avec lui, mais en plus il prenait en compte votre parole d’adulte. Il se montrait même intéressé par vos explications de grande personne qui (pour lui) sait tout.

Mais désormais, vos rapports avec lui semblent bien différents. C’est un(e) ado. La petite chenille est entrée dans sa chrysalide et vous désespérez d’en voir sortir un papillon qui rayonne. Enfermée dans son cocon, vous avez de plus en plus de peine à établir le lien affectif que vous partagiez auparavant. Vous essayez de le comprendre, lui son univers, ses centres d’intérêt, etc. Mais plus vous tentez d’y pénétrer et plus vous en êtes chassée violemment.

Et lorsque la situation s’envenime, dans certains cas, il peut juger vos choix ou votre personne, il peut se permettre des familiarités en outrepassant sa place d’enfant, il peut vous parler mal, il peut se foutre des règles que vous établissez, il peut devenir agressif, voire violent. La liste n’est pas exhaustive.

Il peut y avoir beaucoup de facteurs pour en arriver là, mais au cours de ma carrière d’éducateur, j’ai noté un comportement récurrent de la part des adultes qui amène à ce contexte malheureux. Le pire, c’est qu’ils le font avec les meilleures intentions du monde. Vous pensez que ça ne concerne que les parents ? Si vous saviez ! J’ai vu certains de mes collègues tomber dans le même piège, et ce TOUJOURS pour la même raison.

Les bonnes nouvelles, c’est que:

  1. Ça n’est pas une fatalité, vous pouvez inverser la vapeur facilement.
  2. Vous allez construire une relation beaucoup plus saine avec votre ado/enfant.
  3. Vous allez gagner en tranquillité d’esprit et donc en énergie (et on sait combien il en faut en tant que parent/éducateur)

Une erreur de position

"Qu’est-ce que c’est que cette histoire de position, Clément ? Tu veux nous enseigner des exercices de kiné ou une séance de hatha-yoga pour débloquer nos chakras ?

"Désolé, pas aujourd’hui ! Je laisse aux autres la panoplie du gourou pour enfiler à nouveau celle du prof. Je veux vous parler des 2 positions principales qu’on apprend en géométrie à l’école primaire. La position horizontale et la position verticale. 

Je m’explique ! Si j’ai du mal à comprendre mon ado ou que la discussion est tendue, je vais me dire assez naturellement que c’est parce que je ne me suis pas mis à son niveau. Peut-être qu’en essayant de me rapprocher de lui, il va mieux me comprendre. Par me rapprocher de lui, j’entends le fait de lui parler comme le ferait un ami. Je vais donc entrer dans le registre de l’émotionnel, de l’intime et de l’affectif pour établir cette confiance, et en dernière instance l’échange d’âme à âme qui permet la vraie connexion.

Oui, sauf que NON ! Ce qui peut fonctionner avec dans le cadre d’une confidence, ne fonctionne pas avec votre enfant. C’est là toute l’erreur de position.

Discuter d’égal à égal, c’est ce qu’on appelle une relation horizontale. Par exemple, une de vos amies vient vous voir pour vous confier combien son couple bat de l’aile. Elle est en plein doute. Elle se livre à vous, vous demande conseil et naturellement, vous avez envie de l’aider. Vous l’écoutez bien volontiers soulager ses peines et vous vous ouvrez à travers vos propres questionnements pour lui montrer que tout le monde traverse ce genre de phase. Bref, vous êtes dans un échange ou l’une se met "au niveau" de l’autre pour lui montrer son soutien. C’est horizontal.

À l’inverse, dans une relation verticale, on aura un rapport d’autorité qui émane tout simplement du phénomène de responsabilité. En théorie, si votre N+1 a autorité sur vous, c’est parce qu’il a un engagement supérieur que vous lui déléguez bien volontiers. De même pour le policier qui vous demande de bouger votre voiture de la chaussée, car il a la charge de représenter l’État par le respect de la loi (le fameux contrat social, Rousseau, tout ça...). Je sais qu’il existe des abus et que dans la pratique, la responsabilité n’est pas toujours assumée par celui qui occupe la position dominante. Notez bien que c’est pour ça que j’ai écrit "en théorie".

Or, devinez quel type de rapport réclame votre rôle de parent en (très) grande partie ?

  • La bonne copine (le bon copain) qui peut tout comprendre ? (rapport horizontal)
  • La mère (le père) qui assume et domine les affres du monde réel ? (rapport vertical)

Lequel des deux est le plus rassurant pour votre ado/enfant ?

Lequel des deux est le plus légitime ?

Naturellement, vous pouvez vous dire que les deux sont compatibles et que vous pouvez allier les deux types de rapports sans que l’un ne vienne forcément réduire l’autre à néant.

À cela, je réponds que tout est une question de dosage et que malheureusement, parents et éducateurs privilégient bien souvent l’horizontal au vertical pour plusieurs raisons...


Un toboggan, ça trompe énormément...

Il existe pour chacun de nos comportements un principe très bien décrit par un autre auteur, Jeff Olson dans son livre: The Slight Edge. Nos choix et nos actions au quotidien nous entrainent soit vers le haut, soit vers le bas. Mais cette dynamique est tellement étalée dans le temps que les répercussions ne se mesurent que des années plus tard. Mais ce qu’il en reste, c’est que l’état stationnaire n’existe pas.

Pour simplifier, la vie ressemble à un toboggan où nos trajectoires à un moment donné empruntent deux directions:

  • Soit nous grimpons au prix d’un effort.
  • Soit nous déclinons plus ou moins vite selon que nous ne fassions plus d’efforts ou que nous nous sabotions par des habitudes peu recommandables (malbouffe, tabac...)

Si enfant, vous avez déjà essayé de remonter un toboggan à l’envers, vous comprendrez certainement l’image.

Bien sûr dans la vie, on peut au même moment remonter un toboggan dans un domaine et descendre lentement un autre. Ça s’appelle faire des choix et c’est d’ailleurs inévitable vu que notre temps n’est pas extensible à l’infini. Nous y sommes tous confrontés. Exit donc le mythe du parent/éducateur parfait. 

Grimper, c'est plus dur !

Si j’investis beaucoup d’effort sur ma carrière et ma famille, il n’est pas sûr que j’ai toujours le temps et l’énergie d’aller à la salle pour me sculpter le corps parfait cet été. Encore pire si j’élève seul mes enfants et que je n’ai pas les grands-parents à proximité pour me soulager.

C’est pour cette raison que de nombreux adultes tombent dans le piège de la facilité qui consiste à vouloir résoudre une crise avec son enfant par une relation horizontale (le fameux "copain/copain"). C’est logique et humain, car cela demande moins d’effort et d’aptitude à affronter le conflit.

Attention, je ne juge pas. Je sais combien pour certains parents, la situation est difficile. Je mets simplement en garde que c’est un remède qui s’avère bien pire que le mal. Car votre enfant va vous faire payer le fait de ne plus tenir votre rôle d’adulte. Celui de capitaine du bateau "famille".

Pour lui (ou elle), vous êtes censé être aux manettes, et ce même par gros temps. Autrement, il se sentira peu rassuré et alors il vous fera de moins en moins confiance.

Outre la facilité j’ai pu constater une autre raison qui pousse certains adultes à abandonner le rapport vertical au profit du rapport horizontal. Ils cherchent auprès de leurs ados à combler un besoin affectif qui leur était volontiers accordé lorsque ces derniers étaient plus petits, mais presque plus une fois ces derniers arrivés à la phase adolescente.

Quoi de plus naturel ? Ils sont à l’âge où les hormones les poussent à fuir le nid familial. Bien entendu, tout cela est variable selon leur nature. Certains resteront jusqu’assez tard de gros consommateurs de câlins tandis que d’autres joueront les gros durs, mais tôt ou tard, ils devront passer par cette phase nécessaire à leur autonomie.

Dans une vie, on coupe le cordon ombilical 3 fois:

  • à la naissance 
  • à l’adolescence
  • lorsqu’il/elle quitte le nid familial

Redressez la barre capitaine !

Alors pour vous sortir de cette impasse qui va vous plomber et ne pas tomber dans le cliché du parent copain, voici quelques pistes à emprunter:

  • Reprenez votre rôle d’adulte ! Vous êtes celui qui dirige. C’est votre rôle naturel. On n’a jamais vu une société primitive ou une civilisation où les enfants édictaient les règles. Ou alors, si dans l’URSS de Staline à l’instar de Pavlik Morozov et des milliers d’autres enfants ayant dénoncé leurs parents au NKVD, mais n’oublions jamais le bilan d’un tel projet social (90 millions de morts tout de même). Décider demande de l’énergie et faire respecter les règles aussi.
  • Le corolaire de ce conseil est le suivant: mettez vos règles au clair. Noir sur blanc si nécessaire et ne cessez jamais de communiquer dessus auprès de vos enfants. Plus elles seront répétées, mieux elles seront intégrées.
  • Abdiquez, la relation de type copain-copain avec vos enfants. Ça n’est pas sain. Vous sapez votre autorité et vous ne l’aidez pas à se construire normalement. C’est perdant sur tous les tableaux.
  • Concrètement, ça veut dire de ne pas chercher à tout prix la validation où d’hypothétiques points communs que vous aimeriez avoir avec votre ado. Rechercher le point commun, c’est se placer en position de subordonné, tandis qu’affirmer sa différence et ses choix, c’est respecter votre individuation et la sienne.
  • Enfin, testez, échouez et recommencez ! Tout le monde passe par là. Même le couple de parents parfait de l’école qui a l’air de réussir en tout point. Comme pour les réseaux sociaux, ne vous laissez pas abuser par l’image de perfection. Elle ne reflète ni la réalité du foyer, ni les échecs et les efforts qui sont surement fournis en coulisse. Félicitez-vous quand vous avez fait le job et pardonnez-vous lorsque ça ne fonctionne pas comme prévu, car c’est normal.

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