septembre 9

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Comment vous mettre d’accord en couple sur l’éducation ?

Lorsqu'on me demande pourquoi il est fondamental de se mettre d'accord dans le couple sur l'éducation que l'on veut transmettre à ses enfants, il me revient toujours cette anecdote personnelle:

Je me rappelle très bien de cette année où j’ai eu dans ma classe un petit démon avec une tête d’ange. Appelons-le Martin. À l’époque Martin me faisait sortir de mes gonds plus qu’aucun autre. Du haut de ses 7 ans, ce petit blond issu d’un milieu favorisé n’en était pas moins provocateur, cancre, insolent et très sûr de lui. J’avais beau le recadrer ou l’encourager, le sanctionner ou différencier mes méthodes d’enseignement, rien n’y faisait. Je pensais avoir tout essayé avec lui et pourtant la solution m’est apparue comme une évidence un soir de rencontre parents-profs… ( Soyez attentif! Je vous donnerai les deux autres parties de cette histoire au cours de cet article)


Combien de fois avez-vous entendu ces mots:

" Mais avec maman/papa je peux/ j’ai le droit…"

" Avec toi je n’ai jamais le droit…"

" De toute façon tu es trop méchant(e)…"

" Je préfère maman/papa…"

Vous venez de recadrer votre enfant et ce dernier obtient un gain de cause en se tournant vers votre conjoint(e). Vous sentez une pointe d’agacement et de colère vous envahir, car vous vivez un sentiment d’injustice alors que vous tentez de faire le bien en tenant bon et en rappelant fermement le cadre que vous avez instauré.

À l’inverse vous trouvez votre conjoint(e) trop dur. Vous êtes choqué par sa manière parfois trop brutale de réprimander votre enfant à la moindre incartade. Selon vous, il/elle devrait plutôt essayer de comprendre la situation et la gérer de manière moins conflictuelle.

Manque d’autorité d’un côté versus manque d’empathie et de psychologie de l’autre. Quelle que soit la nature du manque que vous reprochez à l’autre, ce décalage a pour conséquence de créer au mieux des situations d’incompréhension et au pire des conflits ouverts devant les enfants.

Quoi qu’il en soit il va falloir vous mettre d'accord et éviter à tout prix ces situations qui n’ont pour seule conséquence de mettre tout le monde dans une condition de triple perdant ( vous, votre conjoint(e) et votre enfant).

Il est grand temps de se poser la question des répercutions d’un tel climat sur vous et vos enfants et comment ne plus se disputer à propos des décisions à prendre.

Les conséquences néfastes du manque d'accord:

Vous risquez de perdre votre crédibilité:

La première des conséquences est bien évidemment de vous décrédibiliser aux yeux de votre enfant. Et cela marche dans les deux sens. Que vous soyez dans le rôle du “gentil” ou dans celui du “méchant”.

Car le gentil sera celui vers qui il se tournera plus facilement pour obtenir ce qu’il veut, mais sera considéré comme faible et donc moins à même de le protéger dans les situations difficiles. Cet adulte perdra donc peu à peu son estime sa confiance et son respect. Au cours de ma carrière, j’ai vu de nombreux enfants traiter leurs parents comme des moins que rien alors que ces derniers se pliaient en quatre depuis leur plus tendre enfance pour prévenir leur moindre désir et se poser en super-infirmier(e) prêt à intervenir au moindre petit bobo de la vie.

D’un autre côté le “méchant” peut aussi perdre en crédibilité surtout dans le cas ou il surréagit de manière égale à toutes les bêtises. Ne pas avoir de réponse graduée, c’est le meilleur moyen de passer auprès de son enfant pour une machine à sanction sans temporisation ni discernement. Qui voudrait faire confiance à un tel individu? Le méchant aura certainement plus de résultats en termes d’obéissance sur le court terme, mais sur le long terme son absence à nuancer sa réponse peut avoir l’effet inverse. “Après tout, pourquoi se contenir et obéir? Je sais déjà ce qu’il va m’arriver!” pourrait penser l’enfant.

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Il n’est donc pas rare de voir l’un et l’autre perdre toute autorité, même pour le parent qui fait preuve de fermeté. Les reproches et disputes qui peuvent découler de vos désaccords sur l’éducation de vos enfants vont peu à peu créer du ressenti et peuvent aller jusqu’à mettre votre couple en danger (1).

Car si le modèle parental n’est plus fonctionnel, il devient inutile du fait de sa trop grande inefficacité. C’est donc un des piliers de votre couple qui s’effrite. Ça n’est heureusement pas le seul et cela ne signifie pas forcément la fin de votre couple, mais cela peut tout de même le fragiliser dans certains cas.

Vous risquez de générer de l’angoisse chez votre enfant:

La deuxième des conséquences directes se situe côté enfant cette fois. Comme une plante à la structure fragile, il a besoin d’un tuteur pour grandir. Or on n’a encore jamais vu une plante pousser droite sur deux tuteurs partant dans des directions différentes. Pour grandir sereinement votre enfant a besoin de repères cohérents entre eux.

Cela s’appelle le cadre. Ce sont toutes les règles qui s’appliquent dans le cadre familial, aussi bien à la maison qu’à l’extérieur. Se montrer poli avec les autres, ne pas hurler, ne pas taper, respecter les objets de la maison, ranger ses jouets après s’en être servi…bref, toutes ces règles que vous vous efforcez de faire respecter pour qu’il devienne meilleur et possède les clefs de sociabilisation.

Cependant si le cadre change sans arrêt alors votre enfant ne saura pas comment répondre à vos attentes. Dans un premier temps il se demandera qui a raison et à qui obéir ? Puis dans un deuxième temps il choisira l’option qui implique le moins de contraintes

On ne va pas lui reprocher ceci, c’est comme cela que le cerveau humain fonctionne. Que l’on soit enfant ou adulte, il est programmé pour choisir l’option qui demandera le moins d’efforts c’est-à-dire le moins de dépense calorique.

Imaginez qu’en rentrant d’une longue journée de travail on vous propose de vous poser devant un écran au calme avec un paquet de chips ou de gâteaux ou bien de devoir vous occuper des tâches ménagères restées en suspens depuis trop longtemps ( ménage, repassage, vaisselle, tri du courrier…). À votre avis vers quoi votre cerveau va-t-il tendre le plus naturellement?

Ne croyez pas pour autant que votre enfant se satisfasse de la situation. Bien au contraire la différence de discours et de réponse, l’angoisse. Il ne sait pas qui a raison et à qui faire confiance! Si en plus de ça, il est témoin de disputes, il va ressentir un manque de stabilité émotionnel et pour les plus sensibles intégrer le fait qu’ils sont le fruit de ses disputes.

Tout cela est au final très mauvais pour une construction juste de l’estime de soi. Certains enfants peuvent alors intégrer comme identité celle d’un enfant faiseur de conflit. C’est à la fois angoissant et à la fois grisant, car malgré sa constitution physique faible, l’enfant voit qu’il peut déclencher des réactions importantes chez les “grands” adultes.

Ne sous-estimez pas le sentiment de puissance que procure cette situation pour l’enfant. Cela peut vous sembler pervers, mais lui ne pense pas à mal lorsqu’il fait des bêtises en sachant que les effets qui vont suivre peuvent provoquer des excès chez l’adulte. Il joue simplement avec des leviers auquel vous ne devriez pas lui laisser l’accès, car vous laissez peu à peu poindre chez lui le sentiment de toute-puissance.

Le sentiment de toute puissance:


Parlons-en justement ! C’est exactement ce qui caractérisait Martin à l’époque où il était dans ma classe. Osant toutes les bêtises sans visiblement craindre leurs conséquences, je me rappelle qu’il avait coupé une mèche de cheveux d’une camarade avec sa paire de ciseaux. Je lui ai immédiatement remonté les bretelles tout en essayant de savoir dans quel but il avait fait ça. À ma grande stupéfaction, il n’a éprouvé aucune explication et aucun remord!

J’ai donc convoqué ses parents pour évoquer l’incident et tenter de remettre du cadre. Il m’est vite apparu en discutant avec eux qu’il se comportait de la même manière à la maison, m’avouant qu’ils n’avaient aucune prise sur lui.

Toutefois j’ai vite compris qu’ils n’étaient pas du tout d’accord sur la manière d’agir. Sa mère voulait qu’il comprenne de lui-même ses bêtises et y remédie par le dialogue tandis que son père était plus dans la réaction immédiate.

L’un comme l’autre sont indispensables mais elles sont surtout indissociables. L’explication sans la réaction n’est pas respectée et la réaction sans l’explication n’est pas acceptée. Devant l’ampleur du phénomène, je leur ai conseillé:

1/ D’allier explication ET sanction
2/ Et surtout de parler d’une seule et même voix pour que leur enfant entende le même discours et attende exactement les mêmes réactions de ses parents en ce qui concerne ce qu’il a le droit ou non de faire (le fameux cadre).

Ils m’ont écouté avec attention, ont semblé d’accord sur ce principe et nous nous sommes quittés sur cette conclusion…

Suite et fin de l’histoire juste après le paragraphe suivant


Bien que nous ayons déjà un peu commencé à y répondre, nous allons voir maintenant:

Parents: comment tomber d'accord ?

Réintégrer son rôle de parents:

Pour commencer, je ne saurais que trop conseiller à celui qui n’ose pas imposer trop d’autorité à son enfant de réapprendre à restaurer sa légitimité de parent.

Expliquer les choses c’est bien, mais rappelez vous que si vous ne réagissez pas rapidement et avec conviction lorsqu’il dépasse du cadre, vous avez 9 chances sur 10 de l’angoisser et de perdre son respect sur le long terme.

J’ai vu trop de parents avoir peur du conflit avec leurs enfants et ne plus rien oser leur dire. C’est humain, le conflit génère du stress et personne ne trouve ça agréable, mais une éducation se construit grâce aux limites que vous fixez et n’attendez pas qu’il les trouve et les construise tout seul, car:

1/ Ce n’est pas son rôle.
2/ On n’a jamais vu un enfant y parvenir.

Il faut donc réintégrer son rôle de parent et s’y sentir légitime. Comment? Tout simplement en prenant conscience que personne d’autre le fera à votre place (et surtout pas la maîtresse ou les profs à l’école comme se plaisent certains parents à la penser, car ça n'est pas son rôle).

Vous êtes son parent et c’est donc à vous de faire l’effort d’imposer vos valeurs. Celles pour lesquelles vous pensez qu’elles feront de lui un homme/une femme meilleur(e) et épanoui(e).

Pour cela, vous devez faire le point et poser (par écrit si nécessaire) avec votre conjoint les règles que vous tenez à faire respecter, mais aussi discuter de la vision que vous avez de l’éducation. C’est important d’avoir le point de vue de l’autre pour savoir comment vous envisagez l’avenir de vos enfants.

Recréez le “NOUS”:

Votre but est donc de créer une 3ème entité en plus de vous 2 celle du NOUS c’est-à-dire ce contrat tacite qui va vous lier autour des valeurs que vous avez en commun.

Et lorsque vous expliquerez à votre enfant pourquoi il est sanctionné pour telle ou telle bêtise ou bien vous lui demandez de faire telle ou telle chose, vous lui direz:

“Parce que NOUS avons décidé…”
“Parce que NOUS te demandons de…”
“Parce que NOUS pensons que…”

Le double effet kiss-cool de cette astuce est le suivant:

1/ Dès le début, vous lui montrez qu’il ne pourra pas jouer sur un désaccord de principe puisque vous êtes déjà d’accord avec votre conjoint.
2/ Vous profitez de l’effet de masse (mis en lumière par Robert B. Cialdini) qui va inhiber ses tentatives de négociation.

Pour y parvenir, il va falloir donc prendre du temps avec votre conjoint pour en discuter, trouver un maximum de points d’accord et s’y tenir.

Familles monoparentales, quels enjeux?

Lorsque vous êtes seul pour élever votre enfant, la question ne se pose pas. À moins d’être schizophrène, vous allez rarement être en désaccord avec vous-même.

Blague à part, on peut toujours être en désaccord avec les principes qu’on s’était fixés au départ à cause des aléas du quotidien et de notre état de fatigue.On n’est pas toujours au top pour répondre immédiatement de manière optimale. Mais ceci fera l’objet d’un autre article.

Toutefois, il existe plusieurs cas de figure pour lesquels il faut apporter quelques rapides précisions:

Parents séparés: ça n’est pas parce que vous ne vivez plus ensemble que vous n’allez plus devoir accorder vos violons. Vous pourriez vous dire que ce qui se passe chez papa et chez maman sont 2 choses bien distinctes et qu’après tout chacun est maître chez soi et gère désormais l’éducation de votre enfant comme il l’entend. Mais ça ne se passe pas comme ça. Les conséquences d’angoisse et/ou de toute-puissance que nous avons détaillées en première partie ne vont pas s’envoler comme par magie et auraient sans doute même tendance à être renforcées du fait de la séparation physique. Plus que jamais et malgré vos désaccords, il est impératif de synchroniser vos attentes.


Familles recomposées: je ne vais pas vous répéter la même chose, vous avez bien compris l’importance d’être raccord avec votre nouveau conjoint. Et pas seulement pour les enfants issus de votre nouvelle union. On sait que tôt ou tard se posera la question de la légitimité du rôle du beau-père/belle-mère lorsque l’enfant lui sortira le fameux “T’es pas mon père/ ma mère”. Vous pouvez simplement lui répondre que certes il n’est pas votre géniteur(trice), mais que vous avez toute confiance en lui/en elle et qu’en tant que deuxième adulte de ce foyer, il a toute la légitimité pour être en droit de rappeler le cadre à votre enfant. Soutenez-les explicitement à chaque fois qu’ils seront remis en question. Gardez à l’esprit que cela est dans l’intérêt de tout le monde y compris celui de votre couple.


Suite et fin de l’histoire de Martin:
Lors de la fête de fin d’année de l’école, les parents de Martin vinrent me trouver pour me remercier du conseil que j’avais pu leur donner, car ils l’avaient appliqué et avaient pu noter des changements considérables dans son attitude à la maison.

Je me rappellerai toute ma vie de ce moment non pas par fierté, mais parce que je me suis senti étrangement mal à l’aise d’avoir à donner des conseils à ce couple de quarantenaires alors que je n’avais que 29 ans.

Ce que je considérais comme allant de soi, ne semblait visiblement pas effleurer l’esprit de certains parents et cela n’était pas fait pour me rassurer. Mais comme on dit, il n’y a pas d’école pour apprendre à éduquer et on ne naît pas parents. J’ai donc appris à l’accepter.


Conclusion

Nous l’avons vu, vous avez tout intérêt à parler d’une seule et même voix pour rassurer votre enfant, consolider votre autorité et préserver votre couple. De simples mesures comme définir un cadre et en discuter régulièrement, se sentir à nouveau légitime et recréer le “nous” suffisent déjà à avoir une bonne base.

Rappelez-vous que c’est une équation gagnant-gagnant (et j’ajouterai encore une fois gagnant).

Vous êtes les chefs d’orchestre de l’éducation de vos enfants et comme deux musiciens jouant la même partition, pour obtenir l’harmonie, vous devez jouer en rythme. Mais si chacun fait ce qu’il veut dans son coin, vous obtiendrez la cacophonie.

En attendant, soyez confiants, soyez conscients!


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